Obligation ou dispense de reclassement : tous les termes de l’avis d’inaptitude comptent

Reclassement

La mention dans l’avis d’inaptitude que tout maintien du salarié dans un emploi de l’entreprise serait gravement préjudiciable à sa santé ne dispense pas l’employeur de son obligation de reclassement préalable. La Cour de cassation, dans un arrêt du 13 septembre 2023, refuse d’assimiler la portée de cette formulation du médecin du travail à celle que tout maintien dans un emploi serait gravement préjudiciable à la santé de l’intéressé.

Cass. soc., 13 sept. 2023, nº22-12.970 B

Un salarié, en arrêt de travail pour maladie non professionnelle, fait l’objet d’une déclaration d’inaptitude rédigée ainsi : « Inapte. Étude de poste, étude des conditions de travail et échanges entre le médecin du travail et l’employeur réalisés le 16 août 2017. Tout maintien du salarié dans un emploi dans cette entreprise serait gravement préjudiciable à sa santé. ».

Licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 18 septembre 2017, il saisit la juridiction prud’homale de plusieurs demandes relatives à la rupture de son contrat de travail.

Les dispenses de l’obligation de reclassement sont interprétées strictement

Pour les juges d’appel, le licenciement était sans cause réelle et sérieuse, la rédaction de l’avis d’inaptitude n’impliquait pas un éloignement du salarié de toute situation de travail et ne dispensait par conséquent pas l’employeur de son obligation de rechercher un reclassement et de consulter les représentants du personnel (délégués du personnel dans le contexte).

Par conséquent le fait pour l’avis d’inaptitude d’exclure tout reclassement dans l’entreprise laissait à l’employeur la charge de rechercher un reclassement dans les autres entreprises du groupe. En revanche, si l’avis d’inaptitude avait exclu tout reclassement dans un emploi, l‘employeur se serait trouvé libéré de son obligation de recherche de reclassement.

Devant la Cour de cassation l’employeur a tenté de faire valoir, en vain, que le législateur n’imposait pas que le médecin du travail mentionne dans l’avis d’inaptitude une impossibilité de tout maintien du salarié dans un emploi, quel qu’il soit, même en dehors de l’entreprise pour que la dispense de reclassement puisse s’appliquer. La Cour de cassation a rejeté le pourvoi. Les hypothèses de dispense de l’obligation de reclassement de l’employeur restent interprétées strictement par la Haute juridiction.

Ainsi, lorsqu’un salarié est déclaré inapte, l’employeur est tenu de procéder à une recherche de reclassement en tenant compte des préconisations du médecin du travail et de consulter le cas échéant le Comité Social et Economique (C. trav., art. L. 1226-2 pour l’inaptitude non professionnelle et C. trav., art. L. 1226-10 pour l’inaptitude professionnelle et C. trav., art. L. 1226-20 pour l’inaptitude professionnelle du salarié en CDD).

L’employeur se retrouve dispensé de ces deux obligations si l’avis d’inaptitude du médecin du travail mentionne expressément :

  • soit que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ;
  • soit que son état de santé fait obstacle à tout reclassement dans un emploi (C. trav., art. L. 1226-2-1, al. 2 pour l’inaptitude non professionnelle ; C. trav., art. L. 1226-12, al. 2 pour l’inaptitude professionnelle et C. trav., art. L. 1226-20, al. 2 pour l’inaptitude professionnelle du salarié en CDD ; Cass. soc., 8 juin 2022, nº 20-22.500 ; Cass. soc., 16 nov. 2022, nº 21-17.255 ; Cass. soc., 8 févr. 2023, nº 21-19.232).

L’exclusion d’un emploi dans l’entreprise n’est pas synonyme d’une dispense de mise en œuvre de l’obligation au niveau du groupe de reclassement

En outre, pour la Cour de cassation la seule mention que « l’état de santé de la salariée fait obstacle à tout reclassement dans cette entreprise » ne peut pas suffire à exonérer l’employeur de son obligation de reclassement (Cass. soc., 8 févr. 2023, nº 21-11.356).

En l’occurrence, cette mention ne dispensait pas le CSE (employeur) de rechercher des possibilités de reclassement dans la mesure où il y avait en effet dans ce contexte spécifique pour la Haute juridiction un groupe de reclassement constitué par le CSE et la société.

La décision de septembre 2023 offre à la Cour de cassation l’occasion de réaffirmer cette position dans une décision publiée (et hors contexte CSE employeur).

Un dialogue indispensable avec le médecin du travail

Par ailleurs, depuis 1er novembre 2017, des modèles de fiches d’inaptitude sont entrés en vigueur intégrant la dispense de reclassement (A. 16 oct 2017, NOR : MTRT1716161A, JO 21 oct., modifié par A. 20 déc. 2017, NOR : AGRS1800691A, JO 17 janv. ; et A. 7 mai 2018, NOR : AGRS1812532A, JO 17 mai).

Le médecin du travail est ainsi supposé cocher l’une des deux options suivantes (qui correspondent aux dispositions légales citées auparavant) :

  • tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ;
  • l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi.

Mais ici encore, le médecin du travail pourrait éventuellement annoter ce modèle type et définir un périmètre associé à la dispense de reclassement.

Il est donc recommandé à l’employeur de porter attention à la formulation retenue et d’échanger avec l’intéressé en cas de doute.